Novice
Stéphane Dompierre
1h49min30


146 pages. Temps de lecture estimé 1h49min.
Onze personnes dépendantes aux technologies s’inscrivent à un camp de débranchement d’une semaine qui surpassera toutes leurs attentes. En sevrage et isolées dans un environnement hostile où rôde un tueur, parviendront-elles à survivre sans l’aide de leurs précieux appareils?
Inspiré du cinéma d’horreur, Novice est un roman satirique où les travers de notre société prennent l’envergure de défauts mortels. C’est une charge en règle, souvent hilarante, contre notre aliénante poursuite de connectivité dans toutes les sphères de nos vies.Pendant que Gabrielle assemble des bûches dans le foyer et démarre le feu du premier coup, le groupe se passe un gros sac de guimauves, et chacun des participants s’en enfourne une ou deux dans la bouche. Mathieu les regarde sans rien dire, à la lueur de quelques lanternes, et trouve leur ignorance stupéfiante. Voyons donc, crisse. Ces gens-là doivent bien savoir que les guimauves se mangent après les avoir grillées au-dessus des flammes ? Il semble que non.
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La Brute retire son masque tout neuf et, accroupie près du conteneur à déchets, cellulaire à la main, elle cherche des tutoriels sur YouTube. Elle devrait être en train de faire irruption dans les chalets et de massacrer des gens hurlant de terreur mais non, la vie ne se déroule jamais selon les plans, il faut toujours s’ajuster, s’adapter, repenser toute l’affaire, improviser, la voilà donc à essayer d’apprendre le plus rapidement possible comment faire démarrer une voiture sans la clé de contact. L’absence de Francis et Dave dans le chalet lui a confirmé que c’était ce qu’elle devait faire.
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Lancer des haches, voilà ce qu’il lui faut, voilà une activité surprise qui convient à l’humeur d’à peu près tout le monde dans le groupe. On sent de l’enthousiasme dans leurs hochements de tête et leurs grognements, avec peut-être même un léger sentiment de délivrance. Ils ont tous une énergie destructrice qu’ils ne savent pas canaliser. Alors qu’un oiseau piaille dans un arbre tout près, d’un geste qui semble chorégraphié, quatre personnes touchent en même temps l’une ou l’autre de leurs poches, croyant entendre l’arrivée d’un texto. Les quatre se trouvent un peu nounounes et, même si elles ont vu les autres faire le même geste, elles préfèrent éviter leurs regards. Elles ont hâte qu’arrivent les haches.
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Alors qu’elle tire le moustachu à grand-peine pour le sortir de l’eau, la Brute prend pleinement conscience qu’elle est penchée au-dessus d’un cadavre. Que cette situation est anormale et irrémédiable. Un haut-le-cœur subit la prend par surprise et elle dégobille son souper sur le visage du mort. Dégoûtée par l’obscénité du geste, elle se répand à nouveau, à grands jets de bile chaude qu’elle laisse aller un peu partout autour d’elle, jusqu’à ce qu’elle se sente complètement vidée. Elle s’assure de n’avoir plus rien à vomir puis, après un moment sans étourdissements, elle se remet rapidement à la tâche.
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Il ignore également que les vieux ne sont plus ce qu’ils étaient : ils font de la voile, du paddle board, des marathons. Des Ironman. Non, les vieux ne font pas que tricoter des pantoufles en se bavant dessus. Quand il réussit enfin à déverrouiller la portière, il ne peut imaginer, en sentant de façon diffuse un mouvement derrière lui, que Yolaine, ex-championne d’athlétisme, un peu rouillée mais avec une bonne base sous les quelques abus de desserts des dernières années, s’apprête à se jeter sur lui. Ce n’est que lorsqu’il se retrouve à plat ventre, le visage dans le gravier, avec le poids de cette petite madame plutôt lourde sur son dos, qu’il comprend à quel point il a toujours sous-estimé les vieux. Comme c’est souvent le cas avec notre compréhension du monde et des choses, ça arrive un tout petit peu trop tard.
— Wo, minute, mon petit crisse. Yolaine en a pas fini avec toé.